Économie

Haïti-Écomomie : Les pièces de monnaie sur le déclin

Les pièces de monnaie jouent un rôle important dans l’équilibre d’une économie. Elles facilitent les échanges et stabilisent l’inflation à un certain niveau. Cependant, En Haïti les pièces de monnaie disparaissent progressivement dans l’économie. Cette problématique n’est pas sans effet dans la crise économique du pays.

L’économie haïtienne, depuis un certain temps, confronte à un problème majeur en ce qui a trait aux échanges entres les agents économiques tant dans les espaces ruraux que dans l’espace urbain. Effectivement, en plus de la dollarisation du marché économique haïtien, l’importation à outrance des produits de toutes sortes, l’insécurité, le déficit budgétaire de l’État, les catastrophes dues à des phénomènes naturels, la faiblesse du secteur agricole, la hausse du prix des produits pétroliers, un phénomène se pose et prend de plus en plus d’ampleur au fil des jours dans l’économie du pays. Ce phénomène est le déclin progressif et systématique des pièces de monnaie telles que : une gourde, cinquante (50) centimes, vingt-cinq (25) centimes, etc. Les commerçantes, les chauffeurs de taxis, les responsables de certaines petites et/ou moyennes entreprises refusent de recevoir les pièces de monnaie. Bien que ce problème semble être simple voire banal, et bien qu’il soit peu abordé dans les débats, encore moins par beaucoup d’économistes, il a un impact important sur les spéculations autour de la valeur réelle de certains biens et services. Il est par conséquent, impérieux d’appréhender le cheminement et les mécanismes qui sont à la base de la disparition des pièces de monnaie afin d’en saisir les conséquences que cela peut avoir. Pour cela, il est fondamental d’arriver à cerner le problème non seulement dans les conditions et les pratiques économiques qu’évoluent les Haïtiens. Mais aussi, il est nécessaire de se pencher sur l’enjeu politique qui se situe derrière ce processus qui désincarne la présence et la valeur des pièces de monnaie dans l’économie du pays. Il existe plusieurs explications qui pourraient s’avérer être pertinentes à ce phénomène de disparitions des petites pièces de monnaies sur le marché économique. L’une des explications probante de cette situation étrange est la dollarisation du marché, c’est-à-dire l’adoption du dollar au détriment de la devise monétaire nationale. En d’autre terme, la fixation du prix de certains de produits en dollar américain.
À cause de l’ampleur et de l’importance du dollar dans l’économie, la valeur réelle des produits dépend de ce dernier. Par conséquent, le problème de l’autosuffisance d’Haïti en terme de consommation a un impact majeur sur l’augmentation du prix des produits. Il nous faut toutefois, mentionner qu’Haïti applique une forme d’économie libérale. Ce qui sous-entend que l’État a une certaine limite dans les rapports économiques. Cette posture de l’État que le sociologue Weber qualifierait de « État gendarme » a une double conséquence. La première est que l’État dépend en grande partie des ressources économiques venant de l’extérieur. Ainsi, à cause de cela, il subit le poids du tarif fixé sur les produits qui lui sont nécessaires et qu’il importe le plus. La seconde est l’absence et/ou l’incapacité d’intervenir sur la fixation du tarif douanier en Haïti. D’où, la liberté de certaine entreprise a fixé le prix de leur produit de manière arbitraire et instinctive. Il vient alors l’augmentation de la valeur de tous les biens et services dans l’économie parce que ceux-ci dépendent des prix fixés par l’étranger. Les prix sont élevés à un tel point qu’il est même impossible de trouver un produit qui coûte une gourde sur le marché économique haïtien. Ce qui nous amène a un point important dans la compréhension du phénomène. Celui des rapports socio-économiques.
En effet, pour une majorité de consommateurs et de marchands la monnaie divisionnaire représente un embarras, un élément sans trop d’importance. Pour cela, au lieu de conserver dix (10) pièces d’une gourde, les agents économiques ont tendance à accepter deux (2) pièces de cinq gourdes ou tout simplement un billet de dix (10) gourdes. Ce qui, dans le fond, pose problème et qui est assez paradoxal vu que la devise monétaire haïtienne est la gourde, pourquoi la refuser ? D’autant plus, cette attitude est tout aussi déficitaire pour l’État qui, en 2016 faisait encore la promotion de l’importance des pièces de monnaie à travers les publicités.Promotion qui, on le mentionne, a cessé d’un coup comme si cette cause n’en valait plus la peine. Or, selon des données de la BRH, l’État dépense environ 3.60 gourdes pour fabriquer une pièce d’une gourde. Il est évident que cette politique n’est pas plus absurde qu’inquiétante pour la valeur de l’économie haïtienne.
Il est important de comprendre que : « Le rôle fondamental des pièces de monnaies dans une économie consiste à faciliter les transactions. » si l’on croit les dire de l’économiste Enomy Germain (Cité par, Emmanuel Moïse YVES, « L’État dépense 3,60 gourdes pour produire chaque pièce d’une gourde. », Ayibo Post, 15 septembre 2021). Alors, l’inutilisation des pièces de monnaie peut avoir des répercutions négatives sur l’économie du pays. Étant donné que le rôle principal de la monnaie divisionnaire est de faciliter les transactions et les échanges (petite ou grande), la carence en pièce de monnaie provoque non seulement des difficultés au niveau de l’échange entre les agents économiques, mais aussi des modifications du prix réel d’un produit quelconque. Cela oblige, par conséquent, que le prix réel des produits soit arrondis par les entreprises. Ce qui implique, par exemple, si le prix d’un produit est de 12,50 gourdes, la personne qui offre le produit va devoir en demander 15 gourdes pour l’unité, mais cette personne n’aura aucun problème à vendre 2 unités de ce même produit pour le prix de 25 gourdes. Dans ce cas, on ne peut se permettre de parler de rabais, parce que 25 gourdes c’est le prix réel pour deux unités de ce produit. Par contre, il y a un surplus de 2,50 gourdes quand on achète à l’unité. D’où l’illusion d’un rabais qui incite le client à acheter plus pour payer moins. La personne qui offre est, cependant, tout aussi victime à un certain niveau que celui qui se procure le produit en question. Parce que quand elle va acheter d’autres marchandises, le grossiste ne va pas non plus accepter les pièces de monnaie. Toutefois, cela ne veut pas dire que le détaillant n’a aucun bénéfice sur ce qu’il achète. Néanmoins, elle n’équivaut pas au prix réel qu’il s’était vu contraint de le vendre.
Cette approche s’inscrit non seulement dans l’idéal du système capitaliste (inciter à vouloir toujours consommer plus pour le profit d’un groupe bien spécifique), mais aussi dans la vision et les perspectives des politiques néo-libérales qui limitent l’Etat dans ces interventions. Ce qui, par conséquent, profitent aux directeurs d’entreprise dans le secteur formel et surtout au multinational. Cependant, il serait une erreur de croire que cette démarche est bénéfique pour l’économie d’une manière globale. Puisque le secteur qui porte le poids de ces changements-politico-économiques est le secteur informel.Or, l’économie haïtienne repose en grande partie sur ce secteur qui a, à peine de quoi se reproduire et cette reproduction va au bénéfice des groupes que nous venons de citer plus haut.
Considérant ces faits, il ne serait pas un tort de dire que si la gourde décline à ce niveau, il n’est pas qu’une question de « Lavi chè », mais surtout d’un rapport dialectique de domination entre les politiques, et le système capitaliste dans un contexte néo-libéral qui est subit par la classe populaire et qui fait les frais de la classe dominante. Comme l’État n’a guère davantage dans la production des pièces de monnaies et que les agents économiques refusent de s’en servir à cause de la montée du prix des produits, comme la pièce de 50 centimes avant lui, la gourde décline à son tour. N’est-ce pas là un projet d’extinction de la valeur de la devise monétaire haïtienne si l’on considère la disparition de la devise monétaire dans l’imaginaire des Haïtiens? N’est-ce pas un processus qui a débuté depuis bien avant ce siècle ? Qu’elle est l’avenir des pièces de 5 gourdes dans l’économie haïtienne ? Reste à savoir s’il n y a pas d’autre explications probables que les économistes peuvent fournir à ce sujet.

Sylvester Jimmitry MARIUS

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